Cet article est une traduction de l’article du journal Diário de Notícias, disponible à cette adresse : http://www.dn.pt/portugal/interior/ministerio-publico-acusa-psp-de-racismo-e-tortura-8627061.html
Une enquête sans précédent a conclu que six jeunes noirs ont été victimes de racisme. Et que les policiers ont menti.
Dix-huit agents de la PSP (Polícia de Segurança Pública = la Police Nationale), dont un commissaire, sont accusés des crimes de torture, séquestration, injure et atteinte à l’intégrité physique, aggravés par la haine et la discrimination raciale contre six jeunes du quartier de Cova da Moura (à Amadora, près de LIsbonne).
C’est une accusation sans précédent dans notre pays qui survient après deux ans d’investigation de l’Unité Nationale de Contreterrorisme (UNCT) de la Police Judiciaire (PJ) sur le cas de violences policières contre six jeunes, survenues le 5 février 2015, ayant pour scène le commissariat de la Police Nationale de Alfragide, qui a la responsabilité du quartier de Cova da Moura, dont la majorité des habitants sont d’origine Cap-Verdienne.
Le Parquet accuse également certains policiers de crimes de falsification de rapports, de procès-verbaux et de témoignages. Une commissaire adjointe et une agente de police sont également accusées de non assistance à personne en danger et non-dénonciation. Dans le commissariat, tous ont participé aux crimes, selon le Parquet.
Dans une premier temps, les jeunes ont été accusés, suite à l’accusation de la Police Nationale – corroborée par le Parquet et par le juge d’instruction – d’avoir tenté d’envahir le commissariat pour libérer un autre jeune qui avait été arrêté.
Ils auraient été sujet à “déclaration d’identité et de résidence” [Note : je crois que c’est un genre de convocation au commissariat en fait ??] pour les crimes de résistance à fonctionnaire en bande organisée, injures, dommages, évasion et atteinte à intégrité physique.
Mais le Parquet a démontré que cette version des faits était peu probable, face à tout les témoignages et preuves recueillis, ainsi que l’investigation faite antérieurement par l’IGAI (Inspection Générale de l’Administration Interne) dans le cadre de processus disciplinaires.
C’est la version des jeunes qui a été retenue, basée sur des dizaines de témoignages (trente pour être exact), compte-rendus médicaux et croisement des informations récoltées.
Tout a commencé avec la détention, que le Parquet juge arbitraire et violente, d’une jeune du quartier, Bruno Lopes, emmené au commissariat vers 14h00 le 5 février 2015. Contrairement à ce qui a été décrit dans les procès-verbaux de la PSP (=Police Nationale), Bruno n’a pas résisté à sa détention, ni n’a aggressé les policiers. D’après son témoignage, les policiers l’ont plaqué contre un mur, bras et jambes écartées, et lui ont dit “pourquoi t’es en train de rire, maquaque ?”. Ils l’ont ensuite battu violemment jusqu’à le faire tomber au sol saignant de la bouche et du nez.
Etant connu de l’association Moulin de la Jeunesse (une institution qui promeut des projets d’inclusion sociale dans le quartier), des amis de Bruno Lopes ont été alertés, notamment Flavio Almada et Celso Barros, connus, y compris par la police, pour être des membres actifs de cette association.
Six d’entre eux (et non 25 comme l’avait raconté la PSP) sont venus voir ce qu’il se passait.
Le Parquet indique que, sans qu’ils n’aient été provoqués, les agents ont commencé à attaquer les jeunes, les traînant jusqu’au commissariat tout en criant des propos racistes. Deux des jeunes ont réussi à fuir. Deux des jeunes ont réussi à s’enfuir en passant par les rues étroites du quartier.
Ne restaient plus que Flavio, Celso, Paulo et Miguel. Un cinquième jeune, Rui Moniz, qui était dans les environs et sortait d’une boutique de téléphones près du poste de policea finit par être également traîné à l’intérieur du commissariat.
Un des agens, pointant du doigt Flavio Almada, a dit à ses collègues : “Atrappez celui qui fait son malin là”, le poursuivant tout en lui donnant des coups de matraque.
Menottés, ils ont été jettés au sol du commissariat. “Vous allez tous mourir, noirs de merde!” a dit l’un des policiers.
Coups de pieds sur tout le corps, coups de poings, claques, y compris sur la tête, piétinements, tirs de flashball. Rui Moniz, qui avait eu un AVC à l’âge de 9 ans et souffre d’une paralysie de la main droite, criait à l’aide, mais n’était que d’autant plus tabassé. Un des agents a voulu l’humilier en se moquant de sa maladie : “Alors, t’es pas encore mort [de l’AVC] ? On va t’en donner un autre qui va te tuer. En plus t’es pretoguês [= mot valise ‘noirtugais’], fils de pute !”.
Bruno, Flavio, Cleso, Rui, Miguel et Paulo ont été détenus deux jours.
Durant ces deux jours, soutient le Parquet, ils ont été humiliés, victimes d’énormes violences physiques et psychologiques de la part des agents, dominés par des sentiments de xénophobie, haine et discrimination raciale.
Alors que Rui Moniz suppliait une agente de le sauver, elle a répondu “C’est pas à moi qu’il faut demander”. Un autre agent appuyé par ses collègues disait, en regardant les six jeunes à terre : “Vous savez pas comment je hais votre race. J’veux tous vous exterminer de cette terre. Faut vous déporter. Si c’est moi qui décidait, vous seriez tous stérilisé”.
Ou encore, comme l’ont également raconté les jeunes, un autre agent a déclaré : “Vous feriez mieux d’aller chez Daesh”, “vous allez disparaître, vous, votre race et votre quartier de merde!”.
Ce n’est que le 7 février que les jeunes ont été présentés au juge d’instruction criminelle.
De retour au commissariat, quand ils attendaient les pompiers et le SAMU qui ont finit par être appelés pour les emmener à l’hôpital, ils ont assisté à une dernière scène qui a été retenue par les enquêteurs : une commissaire adjointe était en train de nettoyer le sol couvert de sang afin de cacher les traces des agressions.
Inspection Général de l’Administration Interne avait classé l’affaire
Ces conclusions vont à l’encontre de celles de l’Inspection Général de l’Administration Interne (IGAI): l’enquête n’avait pas eu de suites, de même pour sept des neufs procédures disciplinaires ouvertes, considérant les preuves inexsitantes concernant les événements évoqués. Seuls deux policiers avaient été sanctionnés : l’un avait été suspendu six mois, l’autre muté.
D’après l’IGAI, l’enquête “a finit par être classée, puisqu’aucun élément ne permettait d’appliquer d’autres mesures disciplinaires”.